Femmes mariées, femmes en solo: comment se comprendre?

Le mariage reste la norme
C’est un fait: être chrétienne et célibataire est un facteur de marginalisation. Alors qu’en Suisse, environ une femme sur deux est mariée et mère de famille, ce chiffre grimpe à 75% chez les chrétiennes évangéliques, d’après le pasteur et sociologue Olivier Favre. Pas étonnant que la vie communautaire et relationnelle ait tendance à se centrer en priorité sur les familles et non sur les personnes seules. En amitié aussi, le risque de se regrouper en «ghettos» de femmes célibataires ou de mères de familles existe.
Voir la situation de l’autre avec ses propres yeux
«Prendre l’habitude de se retrouver uniquement avec des gens qui nous ressemblent, c’est favoriser le développement du sentiment illusoire de croire que l’on vit tous des situations identiques», explique Geneviève Wirth.
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Difficile, en effet, de ne pas avoir en tête ses propres expériences, lorsqu’une amie nous parle de ses problèmes de couple ou de ses difficultés à vivre seule, par exemple. Or chaque situation reste unique. Comment peut-on alors, dans ce contexte «d’amitiés confortables», développer l’écoute et l’empathie, qui demandent un effort conscient de décentrage de soi pour être capable de voir la situation de l’autre avec ses propres yeux? C’est là que les amitiés transversales (une mère de famille avec une femme célibataire) deviennent un bon terrain d’entraînement.
Le privilège de rester ouverte
Une amitié de ce type-là est plus exigeante qu’une amitié entre femmes qui vivent a priori les mêmes défis. Il y a un certain nombre d’obstacles à franchir. Mais si les amies en font le choix, ces relations sont des trésors. Elles offrent déjà le privilège de garder une ouverture sur une autre réalité que la sienne. Ensuite, elles représentent des occasions de découvertes et d’apprentissages. Enfin, elles permettent de relativiser les «avantages» du groupe social auquel on n’appartient pas: «C’est difficile d’être une femme célibataire et c’est difficile aussi d’être une femme mariée», résume Geneviève Wirth.
Trouver l’équilibre
Pour se comprendre, il est primordial pour les amies de développer un réel échange, de trouver des moments pour écouter et pour se sentir écoutée. Toutes les femmes ont le droit de se sentir tristes, fatiguées et de se plaindre auprès des amies. Pour éviter de mettre la relation en péril, il est important de ne pas minimiser les soucis de l’autre, de ne pas les classer selon une échelle de gravité. «L’enfant qui ne dort pas la nuit, c’est pour la jeune mère un souci aussi important que le fait de ne pas trouver de mari, pour une trentenaire célibataire», lance Geneviève Wirth. «Les difficultés de l’autre sont différentes, mais elles sont aussi réelles que les miennes.»
Rebecca Reymond

Article tiré du numéro SpirituElles 3-10 – Septembre-Novembre
Les boulettes à éviter
1) Penser que les femmes mariées méritent de l’être et que les femmes célibataires aussi.
Comme face à la maladie, cette façon de penser est un système de protection mis en pour s’éviter angoisses et remises en question. Il vaut mieux faire intervenir d’autres facteurs de causalité. Ainsi, on pourra se dire qu’on est chanceuse d’être en couple et que le célibat (et donc le statut de minorité, pour une femme chrétienne) aurait très bien pu nous toucher.
2) Juger du temps investi par les unes et les autres au service des autres.
Dans une enquête d’avril, notre confrère Christianisme Aujourd’hui relatait que les célibataires s’investissent en moyenne moins dans l’Eglise que les personnes mariées. De là à porter un jugement de valeur sur la gestion de leur temps par les célibataires, il n’y a qu’un pas. «En tant qu’amies, nous avons la mission de nous encourager à servir le Seigneur et non à nous comparer, tout en sachant que chacune est responsable de son propre engagement envers Dieu», explique Geneviève Wirth. Il y a une parole pour chacune. Pour les célibataires, cela pourrait être: «Ce n’est pas parce que je n’ai pas d’enfants que je ne suis pas responsable de la génération future» et pour les mères de famille: «Oui, mon amie célibataire aurait plus de temps libre que moi, mais elle a des défis que je n’ai pas et c’est à moi que Dieu demande d’accomplir cette tâche.»
3) Laisser l’amertume s’installer.
Dans une amitié, les occasions d’agir à contrecœur, de se sentir blessée ou utilisée sont nombreuses. A plus forte raison dans une relation transversale. Il faut parfois choisir de manière consciente sa façon de penser et d’agir. «Devant une jeune mère qui ne parle que de son bébé, la femme célibataire peut choisir de se réjouir au lieu d’être envieuse, en se rappelant que toute nouvelle étape de vie est très absorbante et que cela passera», raconte Geneviève Wirth. De même, la mère de famille doit veiller à ne pas faire assumer ses propres choix à ses amies célibataires. Bien qu’elle puisse envier la liberté de ces dernières ou estimer qu’elles doivent faire preuve de davantage de souplesse, elle doit veiller à rester reconnaissante pour les services rendus et non les considérer comme allant de soi.