Amies solos et rivales
Elles s’appellent Caroline, Maud et Christelle, elles ont entre 25 et 38 ans. Elles sont célibataires et très, très amies. Elles fréquentent toutes une Église dans laquelle elles sont actives. Ce sont des filles bien dans leur peau, même si elles n’ont pas choisi leur célibat. Ces femmes dans le vent aiment faire les quatre cents coups ensemble. Elles s’éclatent au shopping, se font des petites bouffes sympas. Elles se disent tout ou presque. Elles se serrent les coudes dans l’adversité.
Plein la vue
Mais voilà, parfois, au détour d’une conversation avec l’une ou l’autre, on entend: «’faut toujours qu’elle nous en mette plein la vue avec ses voyages». «Elle a son agenda plus rempli que le mien». «Je me mets au régime parce que Caroline, elle, a déjà perdu cinq kilos». Vous l’aurez deviné,
le ton qui accompagne ces petites phrases est celui de la petite compétition teintée d’un poil de jalousie.
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La problématique de la rivalité féminine n’est pas l’apanage des solos; il est celui des filles en général. Il faut bien dire ce qui est, les nanas sont les championnes de la petite guéguerre. L’herbe est plus verte chez ma voisine, même si c’est ma meilleure amie. Oui, on aime l’autre. Oui, on veut le meilleur pour elle. Mais pas trop quand même. Et la problématique prend une dimension supplémentaire dans un environnement solo, lorsqu’on se retrouve souvent entre filles: «on se jalouse parfois, c’est inévitable. Ça arrive à tout le monde. Mais là où ça se complique, c’est quand arrive un garçon».
Caroline, trente-trois ans, est tombée amoureuse il y a quelques temps. Certes, ses amies étaient contentes pour elle, c’est sûr, mais tout de même: «Maintenant, on la voit moins. Elle a changé».
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Travail sur soi
Pour Maud, trente-huit ans, un vrai travail
sur soi doit être fait: «C’est stupide,
cette rivalité. Elle ne devrait pas entacher
notre amitié. Être vraiment heureuse pour
l’autre, du fond du coeur, ce n’est pas toujours
simple parce que ça nous renvoie
à nous-mêmes, à ce qu’on a de la peine
à vivre ou plutôt à ne pas vivre. J’y travaille,
avec l’aide de Dieu», commentet-elle. Maud aime d’ailleurs ces derniers
temps se plonger dans les récits bibliques
de femmes jalouses pour mieux en comprendre
les mécanismes. «Et puis, lorsque
je me surprends à envier ou jalouser,
je pense souvent à ce chant “Change mon
coeur Seigneur et purifie-moi, que je sois
comme toi”», ajoute-t-elle.
Compétition positive
Christelle, de son côté, la langue pas
dans la poche, a choisi de positiver: la
rivalité peut être stimulante: «Il ne s’agit
pas d’être en concurrence pour s’écraser
l’une l’autre. Personnellement, si Caroline
n’avait pas décidé de se prendre en
main question poids et de soigner davantage
son look, je n’aurais peut-être pas
eu l’envie ou le courage de m’y mettre.
Ça donne envie et ça c’est positif. Maintenant,
à nous de ne pas en faire un “miroir,
dis-moi qui sera la plus belle dans
six mois!”».
La rivalité féminine, qu’on appelle communément
jalousie, est un mécanisme
subtil. Cette dernière fait d’ailleurs l’objet
de l’ouvrage pertinent d’une psychologue,
Danielle Dalloz. Elle la décode
ainsi: «La jalousie, dans sa forme positive,
va nous aider à nous construire, en
nous poussant à rechercher des modèles
dont nous admirons les qualités. Et ce
sentiment va permettre aussi de sortir
d’une relation trop fusionnelle. L’idée
est de ne pas rechercher dans l’autre un
miroir, ce qu’il va nous renvoyer sur
nous-même, mais de rechercher la différence.
Il est essentiel de comprendre que
chaque être est unique et que justement,
la richesse, c’est l’échange, entre des
personnes différentes. La jalousie nous
ouvre le chemin de l’altérité dans sa forme
positive et nie l’altérité dans sa forme
négative» (Si la jalousie m’était contée,
éd. La Martinière).
Pour Caroline, Maud et Christelle, la
richesse, c’est avant tout leur amitié au
long cours et leur franchise qui leur permet
de ne pas laisser trop longtemps la
place à la rivalité peu constructive.
