Accompagner un grand malade

Patricia Stuart, qu’est-ce qui est le plus important dans l’approche de l’accompagnante que vous êtes?
Accompagner une personne malade durablement et fidèlement, c’est d’abord s’intéresser à ce qu’elle vit. En effet, elle est aux prises avec une profonde souffrance et une solitude qui l’amènent parfois à perdre espoir. Elle doit faire face à la perte de sa santé, de certaines relations et responsabilités.
Ce que la personne vit engendre la douleur, la tristesse, la peur, l’angoisse, parfois les regrets et la culpabilité.
Dans la Bible, face à l’homme aveugle de naissance (Jn. 9, 1-3), les gens interrogent: «À qui la faute?». face à la maladie, nous avons très souvent besoin d’obtenir des réponses à nos «pourquoi?».
Mais au fond, à vouloir trouver des coupables, on est peut-être en train de fuir la réalité. Et parallèlement, il faut être sensible à la peur de ceux qui sont malades ainsi qu’à la révolte et la confusion des autres membres de la famille. Il faut leur donner du temps et ne pas vouloir trop vite enlever la douleur qu’ils ressentent. Ce temps de confusion est normal et utile, même nécessaire.
Le malade peut se sentir dépossédé de tout. Comment peut-on être utile?
Les amies d’une personne malade peuvent l’encourager à ne pas se laisser dominer et contrôler par sa maladie. Si la personne se sent inutile et privée de perspectives, on peut l’encourager à faire le deuil – temporaire, qui sait – de ce qu’elle avait projeté pour l’année à venir: travail, études, sport, mariage, etc. Puis on peut l’aider à découvrir d’autres potentiels, inexploités jusqu’à ici et à identifier les points forts qui lui servaient avant la maladie; par exemple, un tempérament positif et gai ou les domaines où son rôle subsiste: celui de parente, d’amie, d’enfant.
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Qu’est-ce qui est le plus difficile à gérer pour un malade «longue durée»?
Les malades peuvent ressentir beaucoup d’anxiété
face à l’avenir.
Il y a aussi la solitude. Une journée peut paraître
interminable quand on est seul et obligé de garder
le lit. Les malades se sentent mis de côté parfois
par leur famille et par leurs connaissances qui
continuent leur vie active comme si rien n’avait
changé. Ils peuvent même déprimer et se révolter
en piquant des colères.
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Et que faire dans un cas pareil?
Voici ce que dit
Martine, que j’ai accompagnée: «Pour
éviter de tomber
dans la dépression,
j’ai été encouragée à
verbaliser tout ce que
j’avais vécu, en particulier
mes sentiments, dans la semaine écoulée,
avec moi-même, mon mari, mes filles, ma famille
proche. Je pouvais pleurer si le besoin s’en faisait
ressentir, je me sentais libre et puis on priait.
Lorsque j’étais trop mal, mon accompnatrice
priait pour moi, pour que j’aie les forces nécessaires
d’assumer cette situation. Cela durait une
petite heure».
Y a-t-il d’autres dimensions que celle de
l’écoute?
Bien sûr, on peut être très pratique, témoigner de l’amour par sa présence, par ses gestes et ses actions:
courtes visites, petits mots, coup de fil. On
peut aussi voir comment lui rendre service: faire
la vaisselle, le ménage, un repas, etc.
De quoi un malade «longue durée» a-t-il le plus
besoin?
De quelqu’un avec qui parler et partager la douleur,
les doutes et la révolte. Sans crainte d’être
jugé. Il a surtout besoin d’être écouté! Ne venons
pas avec nos maladies, nos histoires. Mettons de
côté notre vécu afin d’être à son écoute.
Souvent, nous ne savons pas quoi dire à une malade,
ce n’est pas grave, le silence peut aussi permettre
un dialogue d’un autre genre.
Chacun vit la maladie d’une manière différente
et accompagner n’est pas une science exacte.
Certains malades extériorisent leurs sentiments,
d’autres vivent leur peine tout à l’intérieur d’eux-mêmes.
Souvent, les gens sont davantage attristés
par les jugements des autres que de la réalité de
leur maladie. C’est pour eux une grande blessure
de se sentir incompris, jugés ou ignorés.
Un mot de conclusion?
Un auteur malheureusement inconnu a dit: «Les
amis sont comme des lanternes sur un chemin
long et sombre, qui ne le rendent pas plus court,
mais un peu plus clair». Accompagner est essentiel.
Que Dieu puisse développer ce don chez plusieurs.

Article tiré du numéro SpirituElles – Mars à Mai 2008
Pour engager la discussion
Quelques questions pour aider la personne visitée à vous parler de ce qu’elle vit – Où étiez-vous quand vous avez appris la nouvelle de votre maladie? – Quelles ont été vos premières pensées? – Qu’est-ce que vous avez fait tout de suite après? – Qu’est ce que je peux faire pour vous aider pratiquement? – Après quelques temps: «Qu’est-ce qui vous aide à vivre ce temps de maladie?»